Histoire

Dans la trace du temps et des Hommes...

Toponymie et Cartographie

Dans l’ouvrage qu’il consacre à l’Histoire de Gosselies[1], Dom Ursmer Berlière – Historien, membre de l’Académie royale des Sciences, arts et Lettres de Belgique -  identifie comme première mention du Bois-Lombut un acte de relief de seigneurie de 1377. 

Il y est mentionné que « item appartiennent encores au grez dudit fief environ 80 bonniers de terre, tant de terre labourables que pasturaiges et aunois tant par delà le bois de Bilombue comme par decha » et plus loin dans le même texte « item le Bois de Bulombus contenant environ LIII bonniers joindant à la terre de Jumey ».

De même, sur les cartes de Ferraris dressées à l’époque autrichienne - entre 1770 et 1778 - on observe déjà la structuration actuelle du site.

Transmission et aménagement du domaine

Le Bois-Lombut, mouvant à la seigneurie de Gosselies, après avoir appartenu aux familles de Rumigny-Florennes, Bierbais et Marbais entra dans la famille Bousies au XVe siècle, avant de passer aux Rubempré puis aux Sainte-Aldegonde et aux Bergerand. Ce fut enfin Madame François-Edouard Pirmez (née Rosalie Wyart) qui acquit, le 7 juillet 1812, le domaine. Ce dernier passa alors par héritage à la famille des barons de Crawhez, puis – et jusqu’à ce jour – à celle des vicomtes le Hardÿ de Beaulieu qui descendent en ligne directe des précédents.

A partir de 1869, le Baron et la Baronne de Crawhez firent aménager la propriété familiale du Bois Lombut sous la forme d'un vaste parc paysager. C'est Eduard Keilig - le concepteur du Bois de la Cambre - qui fut chargé de la réalisation de ce projet.

L'Histoire et les caractéristiques de cet aménagement sont expliqués sous l'onglet consacré à la dimension paysagère.

Le domaine dans l'Histoire locale et régionale

Au-delà de l'Histoire  propre du domaine, il est possible d'inscrire plus largement l'évolution du Bois-Lombut  et de ceux qui  y ont séjourné dans l'Histoire du temps et de la région. A titre d'exemples, ci-dessous sont évoqués quelques moments ou quelques personnalités liés à l'Histoire du site:

Lors de la bataille franco-autrichienne de Fleurus du 26 juin 1794,  la plaine dite de Saint-Jean et la partie Nord du parc actuel virent stationner la Division du Général Hatry. A quelques centaines de mètres au Sud du Bois-Lombut s'éleva du côté français - pour la première fois durant une bataille -  un ballon captif, destiné à observer les mouvements des troupes adverses. Ce qui fut en quelque sorte le premier drone militaire fournit un avantage psychologique autant que tactique aux troupes françaises. Cette bataille de Fleurus dont le nom figure sur l'arc de triomphe à Paris constitua un élément décisif dans le processus politique qui fit passer le territoire actuel de la Belgique du régime autrichien au régime français.  Le ballon "L'Entreprenant" est visible ci-dessus dans la partie supérieure droite du tableau de la bataille dû à Mauzaisse où on aperçoit le Bois-Lombut en arrière-plan (Galerie des batailles du château de Versailles).

Le 16 juin 1815, à l’avant-veille de la bataille de Waterloo, le Bois-Lombut fut le lieu de stationnement d’une partie des troupes du Marechal Ney (la Division Guilleminot).  Comme pour les troupes d'Hatry en 1794, son cantonnement se situait dans la zone Nord-Est du Parc, proche de la chapelle Saint-Jean et de l’actuel aéropôle. 

Le 19, Napoléon logea dans la Maison Dumont, située au centre de Gosselies (là où se trouve l’entrée du parc communal, à la jointure des rues Stranard et St-Roch),

Baron et Baronne de Crawhez


Le Baron Théodore de Crawhez (1816-1889) et son épouse, née Jeanne-Flore Pirmez (1835-1909) sont inséparables dans l’Histoire du domaine du Bois-Lombut. Ce sont eux qui décidèrent de donner, grâce au talent du paysagiste E. Keilig, sa physionomie actuelle à leur propriété familiale. Au-delà, ils furent actifs dans la société de leur temps car, outre la gestion du domaine, le Baron s’investit également dans le développement industriel de la région de Charleroi, en particulier dans les usines sidérurgiques de « la Providence ». Il fut aussi un membre actif du Conseil de Fabrique de Gosselies. Par ailleurs, avec son épouse, ils développèrent différents projets citoyens à une époque où la protection sociale était encore quasi inexistante. Subsistent encore de cela quelques-unes des maisons qu’ils firent bâtir rue de Namur à Gosselies en vue de permettre l’hébergement de familles en difficultés. La Baronne était la sœur du Ministre d’Etat Eudore Pirmez. (Portraits ci-dessus - © L. le Hardÿ de Beaulieu)


Friedrich Eduard Keilig


Architecte paysagiste du Bois-Lombut, Friedrich Eduard Keilig naquit en 1827 à Roetgen (All.) et décéda en 1895 à Bruxelles.

Naturalisé belge en 1868, Eduard Keilig fut en Europe du Nord, avec Fuchs et Petersen, l'un des architectes-paysagistes les plus réputés de la seconde moitié du XIXe siècle.

Après avoir commencé sa carrière au parc royal de Charlottenburg (Berlin), il arriva en Belgique où il dessina plusieurs parcs et jardins privés. Mais il fut aussi l’auteur de divers travaux réalisés à l’initiative du Roi Léopold II ou de grandes villes telles qu'Anvers, Bruxelles ou Liège.

Il aménagea par exemple des espaces verts de l’Avenue Louise, de l’Avenue de Tervuren ou de l'Avenue Fr. Roosevelt, mais aussi les berges des étangs d’Ixelles ; il créa encore le parc de la ville d'Anvers, le parc d’Avroy à Liège ou encore une partie du parc du Cinquantenaire. Il intervint également dans le domaine de Mariemont à Morlanwelz, etc. Une de ses réalisations publiques les plus connues est certainement le Bois de la Cambre à Bruxelles. 

Emile Tirou


 Né le 25 avril 1841, Emile Tirou fit probablement ses études d’architecture à Mons. Il réalisa de nombreux travaux en région bruxelloise et dans les environs de Charleroi. Il habita rue du progrès (actuellement rue Astrid) à Gosselies. C’est lui aussi qui y élabora les plans de l’hôtel de Ville (démoli au début des années 1970) ou l’accès au Lycée royal ; c’est lui encore qui y prépara les plans de nombreuses nouvelles voiries et fut en charge d'une profonde restauration de l'Eglise Saint Jean-Baptiste dans les années 1870. L’une de ses œuvres les plus connues réside sans conteste dans les abattoirs (classés) d’Anderlecht. Enfin, il reste divers courriers échangés entre le Baron de Crawhez et Emile Tirou concernant la construction de l’actuel château du Bois-Lombut. Sans que nous disposions actuellement de la date précise de son décès, il est probable que celui-ci soit survenu vers 1900, dès lors que l’année précédente il déclare la mort de son frère Arnaud Louis et que la « Gazette de Charleroi » du 24 mars 1901 indique que sa veuve et ses enfants vendront la maison familiale le 30 mars suivant. 

J. Adolphe le Hardÿ de Beaulieu


Jean-Adolphe le Hardÿ de Beaulieu (1814-1894) était le père de Théodore qui épousa Anne-Hyacinthe de Crawhez, fille des créateurs du parc. Docteur en droit et Ingénieur civil issu de l’Ecole centrale (Paris), Jean-Adolphe fut également Vice-Président de la Chambre. Comme ingénieur, il dirigea les travaux de « relèvement » des quartiers de Bruxelles par rapport au niveau de la mer. Mais il fit également partie, dès 1838, du corps des ingénieurs de la Sambre. Il participa aussi aux études sur le développement d’une Ville de Charleroi qui, se défaisant de ses murailles, tendait à s’ouvrir au développement industriel du XIXe siècle [2].


La garde civique de Gosselies



Avant la première guerre mondiale, le parc servit de plaine pour les manœuvres de la Garde civique. Ainsi par exemple, celles d'août 1898.

Quelques photos furent prises à cette occasion. Sur l'une d'entre elles, on voit l'Etat-major. 

Théodore (Jr) de Crawhez y figure à la 4e position en commençant à gauche, soit juste à droite du Major Aubry. Ce dernier - imposant barbu commandant la garde - était un industriel gosselien.

Né au Bois-Lombut le 30 août 1874, le Baron Pierre de Crawhez était le fils de Théodore de Crawhez et de Jeanne-Flore Pirmez qui donnèrent au domaine sa configuration actuelle. Passionné du sport automobile naissant, Pierre de Crawhez prit part à de nombreuses compétitions au tournant des XIXe et XXe siècle. En 1901, il effectua aussi la première traversée du Sahara en automobile, depuis Alger jusque l’oasis de Ghardaïa.

Durant la 1e guerre, il s'engagea avec son frère Jean dans le corps des auto-canons.  Il fut Président du Royal automobile club de Belgique. Il décéda le 29 avril 1925. (Photo ci-dessus - © L. le Hardÿ de Beaulieu)

La "Kermesse flamande" de 1895



Les 25 et 26 août 1895 eut lieu au Bois-Lombut une grande "Kermesse flamande" dont les bénéfices profitèrent à la Société de Bienfaisance, aux hospices civils et à la société de Saint-Vincent de Paul de Gosselies.

La presse de l'époque souligna avec l'emphase du temps la variété des activités initiées à cette occasion.


Extraits de la presse locale d'août 1895.


Episodes de guerre



Le domaine fut occupé durant la deuxième guerre mondiale, par des troupes allemandes et ensuite américaines, comme en témoignent quelques souvenirs encore visibles au château ainsi que dans les écuries (voir ci-dessus - © L. le Hardÿ de Beaulieu). Dans les années 1980, à plusieurs reprises, des vétérans américains revinrent au Bois-Lombut où ils retrouvèrent avec émotion l'un des lieux de leur passage dans les mois qui suivirent le débarquement du 6 juin 1944.

Le Tour Saint Jean



La procession locale - le "Tour Saint-Jean " - faisait déjà au XIXe siècle sa halte à la chapelle éponyme sous les frondaisons du parc.

Après la messe, un petit-déjeuner champêtre réunissait déjà pélerins, cavaliers et voisins de Gosselies dans une atmosphère chaleureuse.

Cette tradition perdure d'ailleurs en ce début du XXIe siècle malgré un environnement assez bouleversé et demeure un moment cher au coeur des Gosseliens.

Né le 3 janvier 1921, le Vicomte Gérard le Hardÿ de Beaulieu était, par sa grand-mère paternelle, l'arrière-petit-fils des créateurs du parc paysager du Bois-Lombut. Durant la 2e guerre, étudiant, il s'engagea dans la résistance. Arrêté et déporté dans les camps de concentration, à son retour et après une revalidation, il devint tour à tour Conseiller communal de Gosselies, Conseiller provincial, Député permanent du Hainaut, Député et Questeur de la Chambre des Représentants. Avec avec Jean-Charles Snoy, il fut aussi co-président de l'association du "Patrimoine Historique Privé" désormais partie intégrante de l'association des Demeures historiques et Jardins de Belgique. Il décéda le 3 juin 1998.

Au fil du temps, le domaine fut ainsi associé à des événements de l'Histoire locale tantôt graves, mais aussi - et très heureusement - tantôt plus festifs ou citoyens.

Aujourd'hui encore, le parc du Bois-Lombut continue à apporter de manière très positive sa contribution culturelle, environnementale et économique à la région dans laquelle il s'insère.

[1] .        U. Berlière, Recherches historiques sur la Ville de Gosselies, Editions de Maredsous, 1926, T. II, p.138; voy. aussi A. Bayot, "La forme des lieux dits sur la carte au 40.000e", Bulletin de la Commission royale de toponymie et de dialectologie, 1935, vol. 9, p.  96. et  - sur la signification de "lombus" - Albert Carnoy, Origines des noms de communes de Belgique, Louvain, Ed. Universitas, 1948, p. 116.

[2]. M. Culot et L. Pirlet, Charleroi, d'Arthur Rimbaud à Jean Nouvel, AAM Editions, Bruxelles 2015, p. 106-108.